Thierry Breton encore un mauvais choix au poste de Commissaire européen.

dans Livret numérique

Le 10 octobre 2019, la candidature de Sylvie Goulard à la Commission européenne fut rejetée en raison d’une mise en cause justifiée de sa probité.

Le 23 octobre 2019, la Présidence de la République française a officiellement proposé Thierry Breton comme candidat de remplacement au portefeuille de Commissaire européen en charge de la « politique industrielle, du renforcement du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l’espace ».

Un parcours empreint de pantouflage conduisant à des conflits d’intérêt.

A cheval entre secteurs privés, publics et politiques, Thierry Breton a été Président de France Télécom dont il accompagna la privatisation. Devenu Ministre de l’Economie (2005–2007), il a ensuite dirigé l’ESN (entreprise de services du numérique) Atos SE.

Sa présence à la tête d’Atos SE conduit à des conflits d’intérêts majeurs :

  • Son entreprise fournit des services numériques à l’Union européenne : divisée en nombreuses filiales (ex : Siemens IT Solutions and ServicesBullSyntelXerox ITO), comptant 100 000 collaborateurs dans 72 pays pour un chiffre d’affaires de 12 milliards € par an, Atos SE est liée par un contrat-cadre de 6 ans avec Airbus Defence and Space. Or, elle fournit ainsi une expertise, des produits, des services et de la formation à 17 systèmes informatiques d’institutions, services et agences européennes ;
  • Elle colle aux réorientations européennes dans le domaine : l’Intelligence Artificielle (IA) et la cyberdéfense sont deux priorités inscrites dans le political guideline d’Ursula Von der Leyen et l’agenda du Parlement européen. Or Atos SE a réorienté ses activités vers l’IA grâce à son laboratoire d’intelligence artificielle lié à Google Cloud (2019) et l’informatique embarquée pour l’Internet des objets (2019). Atos SE est également un leader européen de la cybersécurité : 5000 experts-collaborateurs, des centres d’opérations de sécurité et un portefeuille complet de solutions-sécurité pour les entreprises ;
  • Elle rend Thierry Breton juge et partie : Atos SE bénéficie d’aides européennes (ex : 1,2 million € de fonds FEDER pour son centre d’essai de supercalculateurs à Angers), elle est liée à des structures comme le GENCI et l’infrastructure européenne de recherche PRACE (ex : appel d’offre du projet PCP– Whole-System Design for Energy Efficient HPC depuis 2013). Elle dirige le puissant lobby des industries du calcul haute performance (HPC) à Bruxelles, la European Technology Plateform For HPC(ETP4HPC). Nous confions donc le portefeuille européen du HPC au ex-PDG du n°1 du calcul haute performance européen. Un commissaire qui sera chargé d’instruire des projets majeurs comme l’entreprise commune pour le HPC EuroHPC JU qui brasse un budget d’un milliard d’euros, dont près de la moitié financée directement par les institutions européennes ;
  • Son parcours interdit un exercice serein du mandat : Thierry Breton a été administrateur de plusieurs grands groupes français et américains (ex : Bank of America, Dexia, Schneider Electric, Bouygues Telecom), tous clients ou prestataires des institutions européennes.

Thierry Breton tentera d’indiquer que tous les dossiers touchant Atos SE seront traités par un autre Commissaire européen. Or comme ex-PDG de l’entreprise, cela rendra sa posture intenable dans ses fonctions de Commissaire au quotidien tant Atos SE est omnipotente.

Une idéologie militaro-industrielle au service du Big Data et de GAFAM européens.

Bien que Thierry Breton affirme défendre une souveraineté des données ainsi qu’une planification du calcul haute performance à échelle européenne, ses déclarations sont contradictoires.

Il défend une vision militaro-industrielle ultra-centralisée au service d’une Europe de la guerre et non de la paix, parle de « cyberguerre » et n’hésite pas à affirmer la nécessité de « [développer] une activité […] offensive pour répondre aux rapports de force » (Juil. 2019, Les Echos) telle que développée dans son roman d’anticipation Softwar (1984).

Il défend l’économie du Big Data et ses dangers. Favorable aux collectes massives et à la marchandisation de données, aux « algorithmes de traitement qui joueront un rôle croissant dans tous les aspects de notre vie », aucun questionnement n’est fait sur la pertinence de cette collecte et leurs capteurs, sur la non-marchandisation des identités numériques. Thierry Breton défend l’idée de GAFAM européens en position de monopoles, s’oppose à un internet européen éthique, libre et ouvert composés d’acteurs multiples et interopérables. La notion d’intérêt général y est donc négligée au profit d’une vision néo-libérale.

Un portefeuille de Commissaire européen dangereux.

Le portefeuille de la candidature française allie les questions du numérique à celles de défense. Le Groupe thématique Numérique de La France Insoumise développe une autre vision du poste de Commissaire européen :

  • Un poste qui préserverait le numérique des questions de « défense » et de « marchandisation » ;
  • Un poste qui rapprocherait le numérique des questions d’innovation, d’inclusion, de solidarité, d’environnement et de droits fondamentaux — libertés collectives et individuelles.

À nouveau, le candidat d’Emmanuel Macron nage dans les conflits d’intérêts. 

La Macronie ne saurait-elle trouver aucun candidat insoupçonnable ? 

Le Groupe thématique Numérique de La France Insoumise.