Synthèse des 1 600 premières contributions programmatiques

Comme annoncé par la démarche initiale sur jlm2017.fr/le_projet, les contributions au projet ont été ouvertes dès l’annonce de la proposition de candidature de Jean-Luc Mélenchon pour chacun des sept axes programmatiques : la 6ème République, le partage des richesses, la planification écologique, la sortie des traités européens, une France indépendante et altermondialiste pour la paix, le progrès humain et les nouvelles frontières de l’humanité.

Ces contributions permettent d’ouvrir le champ des possibles politiques. La base de ce programme est constituée de L’humain d’abord (programme du candidat du Front de Gauche aux élections présidentielles de 2012) ainsi que d’autres documents produits depuis tels que les 18 thèses pour l’écosocialisme par exemple, mais cinq années ont passé et nécessitent un remaniement global de notre programme auquel vous contribuez !

Cette première synthèse ouvre une période de débats et d’approfondissements qui se matérialisera par la tenue d’auditions publiques aux mois de mai et juin où des insoumis-es viendront apporter leur expertise sur différents thèmes. Les contributions des signataires continueront à être ouvertes durant cette période sur le site afin d’approfondir ces premiers éléments programmatiques et d’autres synthèses seront publiées. C’est à chacun‑e de nous de faire vivre l’élaboration collective de ce programme.

La première tâche du mandat de la France Insoumise sera la reconstruction car il n’est pas possible de répondre à toutes les utopies dans l’immédiat. Qu’elles soient démocratiques, sociales, économiques, écologiques, géopolitiques ou culturelles, les urgences auxquelles nous faisons face créent les bifurcations. Les nombreuses contributions postées par les insoumis-es alternent entre des directions vers lesquelles nous devons mener le pays et des mesures plus concrètes, immédiatement applicables.

I. Tout commence par le pouvoir des citoyens

Les premières contributions sur la convocation de la Constituante et la 6eme République mettent en évidence un large rejet du système politique actuel, la nécessité d’un processus constituant pour rendre le pouvoir au peuple et de multiples propositions de réformes.

1. Un large rejet du système politique actuel

La quasi-totalité des contributions témoignent d’un large rejet du système politique actuel. L’hostilité au régime de la monarchie présidentielle de la Ve République est, à quelques exceptions près, unanime. Les critiques portent principalement sur :

  • La concentration des pouvoirs dans les mains du monarque présidentiel,
  • L’impossibilité de révoquer les élus ne respectant pas leurs engagements électoraux,
  • Le non-respect des décisions du peuple (cf. référendum de 2005),
  • L’absence de représentativité (pluralisme politique et diversité sociale) des élus,
  • La professionnalisation de la politique (cumul des mandats, y compris dans le temps),
  • Les comportements contraires à l’éthique et à la probité (corruption, fraude fiscale, etc.),
  • Des politiques au service d’une oligarchie, de l’argent, et non du peuple,
  • La concentration des médias aux mains des puissances d’argent, avec pour corollaire une « information » qui prend des airs de propagande,
  • Une « décentralisation » contre la démocratie locale, avec de nouvelles féodalités

2. Un processus constituant pour rendre le pouvoir au peuple

Toutes ces critiques font apparaître un diagnostic largement partagé : dans le système politique actuel, le peuple n’est plus souverain. Le premier objectif d’une refondation républicaine doit donc être de rendre au peuple sa souveraineté politique. Et cela passera bien par la convocation d’une Assemblée constituante pour les Insoumis, plutôt que de ne laisser un Président de la République nouvellement élu imposer lui-même verticalement son « programme constitutionnel ».

Certains s’interrogent sur la possibilité juridique d’une telle convocation dans le système actuel. Une option qui se dégage repose sur l’annonce d’un référendum législatif (selon l’article 11 de l’actuelle Constitution) convoquant l’Assemblée constituante au lendemain de l’élection présidentielle, avec par exemple un vote lors du 1er tour des élections législatives (début juin 2017) ; en cas de victoire du « oui », convocation de l’Assemblée constituante à l’automne 2017. Le calendrier des travaux de l’Assemblée constituante a aussi été abordé et notamment la durée (non inférieure à 18 mois et deux ans maximum). À l’issue des travaux, un référendum sur le texte proposé par l’Assemblée constituante sera proposé au peuple ; en cas de victoire du « oui », la nouvelle Constitution pourra être promulguée.

Les règles applicables aux membres de l’Assemblée constituante sont très souvent abordées. Un point semble faire consensus : les membres de l’Assemblée constituante ne devront pas avoir fait partie du pouvoir exécutif ou du Parlement du régime actuel, et ils n’auront pas vocation à exercer de fonctions exécutives ou législatives dans le régime politique dont ils auront rédigé la Constitution.

Le mode de désignation des membres est plus débattu. Si la nécessité d’une juste représentation des différents courants d’opinion qui existent dans la société française ne fait évidemment aucun doute (ce qui milite plutôt pour une élection à la proportionnelle), il semble légitime que le point de vue des partisans du tirage au sort selon différents degrés puisse également être pris en compte. Une solution de synthèse devra donc être recherchée en ce sens.

3. Une 6ème République sociale, écologique, émancipatrice et démocratique

Les contributeurs proposent aussi d’avancer sur le contenu des futures institutions de la 6èmeRépublique. Les nombreuses propositions formulées portent à la fois sur des dispositions susceptibles de figurer dans une nouvelle Constitution et sur des mesures d’un programme d’urgence d’une majorité travaillant en parallèle de la constituante. Devant la richesse et la diversité des contributions, nous centrerons le propos sur les dispositions de nature constitutionnelle, que l’on peut regrouper en deux sections : des droits nouveaux et de nouvelles règles institutionnelles.

Des droits et principes nouveaux

La volonté de réaffirmer des droits, voire d’introduire de nouveaux droits dans la Constitution est très nette : droit à l’emploi et au travail, à la santé, à l’éducation (essentielle pour permettre l’exercice du pouvoir politique à toutes et tous), au logement, à la protection sociale, voire droit de disposer de son corps, droit de mourir dans la dignité, neutralité du web, une utilisation plus fréquente de l’outil numérique devant d’ailleurs permettre un exercice plus direct du pouvoir… Nombre de propositions concernent la réaffirmation de l’égalité entre les femmes et les hommes et les moyens de la rendre plus effective. La préoccupation écologique est omniprésente, avec la volonté de constitutionnaliser la « règle verte ». Enfin, une importance particulière est attachée au respect du principe de laïcité, pilier du vivre ensemble, sur l’ensemble du territoire.

De nouvelles règles institutionnelles

Il y a une très forte demande de nouveaux outils démocratiques, au premier rang desquels le référendum d’initiative citoyenne et la révocabilité des élus. Les discussions portent aussi sur la comptabilisation du vote blanc et le vote obligatoire. Beaucoup de réflexions portent sur une redéfinition du rôle de l’élu (exemplarité, transparence financière, fin du cumul des mandats, voire limitation des indemnités), avec pour objectif commun la fin de la « professionnalisation de la politique ». Le sort d’institutions comme le Sénat, le Conseil constitutionnel ou le Conseil économique, social et environnemental est aussi très débattu, avec de multiples propositions de réformes. Les contributions sur les médias visent à garantir le pluralisme de l’information, à sortir de la logique de l’audimat, voire à rendre le citoyen plus actif dans la production de contenus. Enfin, une refonte globale de l’organisation territoriale et de la démocratie locale est ardemment souhaitée.

II. En finir avec la pauvreté et le chômage 

Les multiples contributions portent surtout sur des thématiques plutôt spécialisées comme le partage du pouvoir au sein des entreprises ou encore au sein des services publics. Le partage des richesses est principalement vu sous l’angle de la fiscalité.

1. De la richesse des approches pour affronter les crises sociales et économiques

Parmi les premières contributions, cinq thèmes apparaissent le plus souvent :

  • les différentes modalités pour la mise en place d’un revenu universel, à plus ou moins moyen terme,
  • le partage du temps de travail avec la diminution du temps de travail légal hebdomadaire (32h voire en dessous) et l’augmentation de la durée minimale des congés payés (passage à 6 semaines, voire plus),
  • le partage des richesses et du pouvoir au sein de l’entreprise,
  • le renforcement de la progressivité de l’impôt sur le revenu
  • la renationalisation de la création monétaire (traitée dans le chapitre européen).

Sur le revenu universel

Dans les contributions, il semble s’agir à la fois d’une proposition s’appuyant sur les travaux de Bernard Friot pour supprimer le « marché du travail » (et en tant que telle une authentique mesure de gauche), mais aussi une proposition plus récemment reprise par des économistes beaucoup moins progressistes comme Daniel Cohen pour amortir le choc résultant de l’automatisation de nombreuses activités humaines.

Les débats semblent riches et beaucoup de mesures semblent souhaiter aller dans cette direction, pas nécessairement de la même manière ou avec le même calendrier. Afin de répondre aux urgences, certains privilégient la généralisation et la gratuité des services publics, le partage du temps de travail et l’augmentation de la cotisation afin d’aller dans la direction commune d’une socialisation plus grande de l’activité salariée.

Partager le temps de travail

Là aussi très récurrente dans les contributions, la diminution du temps de travail hebdomadaire et de la durée légale apparaît être une mesure programmatique essentielle. Les 32 heures hebdomadaires semblent faire consensus, même si certaines propositions vont plus loin encore. L’idée originale d’une sixième semaine de congés payés a été avancée. La mise en place d’une sur-cotisation des heures supplémentaires pourrait en outre permettre d’appliquer un réel partage du temps de travail.

Du pouvoir au sein de l’entreprise 

Certaines contributions visent à repenser le partage des richesses et du pouvoir au sein de l’entreprise afin de :

  • garantir la transparence au sein de l’entreprise en assurant la communication des comptes de l’entreprise aux salarié-e‑s ;
  • encourager l’appropriation collective de leur entreprise par les salarié-e‑s avec le développement des scop (à l’image des Fralib) ;
  • redonner le pouvoir décisionnel au personnel de l’entreprise et à leurs représentant-e‑s. 

D’autres contributions concernent la répartition des fruits du travail  par la limitation des dividendes ou bien l’intéressement des salarié-e‑s aux résultats de l’entreprise afin de récupérer la valeur ajoutée captée par le capital au détriment du travail.

Vers la révolution fiscale 

Un renforcement de l’impôt sur le revenu et de sa progressivité est souvent avancé. D’un point de vue plus technique, plusieurs contributeurs ont proposé de déterminer une seule formule d’imposition progressive qui ne se ferait plus par tranches marginales mais par calcul d’un taux moyen plus lisible. Cette mesure généralise les 14 tranches proposées dans L’humain d’abord .

D’autres contributeurs ont proposé l’instauration d’un impôt différentiel pour les Français de l’étranger ; un citoyen Français habite en Belgique mais possède des biens en France. Bien entendu, il paye des impôts dans le pays dans lequel il réside. Cependant, comme il possède la nationalité française, il devra payer la différence entre l’impôt sur le revenu belge et français.  Certaines propositions visent à plafonner les richesses et les patrimoines transmis par l’héritage.

Des services publics citoyens 

L’ouverture du capital, la privatisation ou la fermeture d’un service public doit donner lieu à un référendum local ou national. Garantir l’effectivité de la démocratie participative est essentiel pour ne pas en faire un leurre de démocratie, voire un outil de plébiscite. Il convient donc d’associer les citoyen-ne‑s en amont des projets, y compris sur l’aspect technique des dossiers.

Créer les conditions d’une vraie démocratie dans les services publics, en incluant des représentant-e‑s du personnel et des représentant-e‑s des usagers. La démocratie représentative est déjà présente au sein des services publics via les instances représentatives du personnel (Comité Technique, CHSCT, CAP, Commission de réforme, etc.). Néanmoins, à ce jour, leurs domaines de compétence sont limités et leurs avis ne sont pas contraignants.  

III. Sauver le seul écosystème compatible avec la vie humaine

1. Les quatre piliers de la planification écologique

De très nombreuses contributions insistent sur quatre dimensions centrales de la planification écologique :

  • La diminution de notre consommation d’énergie, et pas uniquement de la production via des énergies renouvelables ; agir sur l’isolation thermique des bâtiments ; double axe économies d’énergie/passage à un mix énergétique renouvelable local (cf. Ademe et Négawatt).
  • La modification de nos habitudes de transports : développer les transports en commun et doux, réduire les trajets quotidiens (surtout en voiture individuelle) en rapprochant domicile et lieu de travail.
  • La réorganisation de la gestion des déchets dans le pays à travers une politique de soutien au recyclage plus systématique, au développement des consignes, à l’économie circulaire (cf. plan « Zero Waste »).
  • Enfin, plus de 26% des contributions concernent la nécessité d’une transition écologique et sociale globale du système agro-alimentaire (pour une agriculture paysanne, écologique, rémunératrice, relocalisée, économe en énergie et intrants, autonome au niveau des fermes ou d’un système territorial local). La suppression des pesticides apparaît à de nombreuses reprises puisqu’il s’agit d’un enjeu de santé public décisif.

2. D’autres mesures écologiques concrètes

L’instauration d’un service rural de la jeunesse est avancée afin de fournir une expérience rurale à de nombreux concitoyens qui ne peuvent aller à la campagne et contribuer à la formation de nouveaux paysans dont la réforme agricole a besoin. Ce service pourrait s’intégrer dans un service républicain plus général.

La création d’un Conseil écologique surveillant la conformité écologique des textes législatifs permettrait d’intégrer l’exigence écologique dans l’élaboration de la loi et d’assurer l’application de la règle verte.

La responsabilité juridique des entreprises transférée sur les sociétés-mères en cas de dissolution des filiales permettrait de rendre pénalement responsables certaines grandes entreprises capables d’utiliser cette opération (exemple Syngenta non condamné alors que sa filiale avait étendu massivement des pesticides interdits, la dissolution de sa filiale a provoqué l’annulation du procès).

D’autres contributions proposent  une éducation à l’agriculture biologique et à l’alimentation saine à l’école, passant par exemple par la végétalisation des toits, ou l’installation de potagers bio, dans les écoles, collèges et lycées. L’introduction des bio-territoires dans les PLU des communes est également proposée afin de garantir l’installation d’agriculteurs en bio, quitte à établir des contrats avec les cantines locales.

IV. Sortir des traités européens

1. L’UE contre les peuples

Les contributions démontrent de fortes connaissances de l’Histoire européenne. On note ainsi de nombreuses références :

  • au referendum de 2005 et au passage en force du Traité de Lisbonne en 2008 ;
  • à Maastricht et aux promesses d’harmonisation sociale ;
  • à l’OTAN vue comme le « bras armé de l’UE »
  • aux accords entre l’Union Européenne et l’Afrique qui pillent les richesses du Sud

Globalement les contributions témoignent d’une volonté d’en finir avec « l’illusion » de pouvoir changer l’Europe qui nécessite 28 pouvoirs progressistes simultanés ce qui est perçu comme improbable et techniquement infaisable.

2.  Développement d’une stratégie Plan A / Plan B

De nombreuses contributions établissent le développement d’une stratégie à deux options, basée sur le rapport de force avec un processus global pour respecter les objectifs politiques fixés par le mandat du peuple et ne pas plier.

Le plan A : un programme de négociation auprès des institutions européennes dès l’arrivée au pouvoir en plusieurs étapes

1) Racheter la dette des États par la banque centrale, pour mettre fin à la pression des créanciers et réorienter le rôle de la BCE afin que ses activités se focalisent sur le développement du plein emploi et instaurer le financement direct des États auprès de la BCE.

2) Supprimer la surveillance budgétaire des États, afin que les peuples décident eux-mêmes de la manière dont les impôts et cotisations sociales sont employés.

3) Proposer la transformation de la monnaie unique en monnaie commune avec les partenaires européens volontaires afin que chaque État puisse retrouver des marges de manœuvre d’ajustement monétaire. Ainsi est promue « une création de monnaie complémentaire nationale, sur le modèle des créations de monnaies locales. Cette monnaie complémentaire concernerait tous les échanges productifs en France, ne serait pas soumis au marché financier et donc pas attaquable. Et l’euro serait conservé pour les échanges internationaux ».

4) Instaurer l’harmonisation fiscale et salariale en Europe, pour mettre fin au dumping, ainsi que la lutte contre la finance, pour retrouver des marges de manœuvre. Il ressort des contributions qu’il est intolérable de garantir une Union économique, donc la circulation des capitaux, avec des pays qui revendiquent leur statut de paradis fiscal comme le Luxembourg ou la City de Londres. Il est également proposé de « soumettre les travailleurs détachés aux cotisations sociales françaises ».

5) Lutter contre les paradis fiscaux et restreindre les mouvements de capitaux : « incapacité de réguler les flux économiques notamment à cause de l’article 63 nous interdisant de restreindre tout mouvement de capitaux et donc un certain contrôle de l’économie ».

6) Protéger les services publics et l’agriculture paysanne.

7) Marquer l’opposition de la France au TAFTA, à la fois pour des raisons de droits des consommateurs et de transparence des prises de décision par la technostructure européenne.

Concrètement ces contributions exigeront une remise à plat des traités européens en ce sens. A défaut, un opt-out (ou compromis du Luxembourg), c’est-à-dire une exception juridique pour la France et pour les pays qui partageraient nos aspirations serait indispensable. Pour ne pas tomber dans le même piège que la Grèce, nous rappellerons dans les négociations que nous n’hésiterons pas à appliquer le plan B (à savoir les mesures unilatérales de sortie des traités et notamment la fin de l’euro).

Le plan B : la sortie

De nombreuses contributions évoquent la sortie de l’euro qui se déroulerait selon les étapes détaillées ci-après.

1)  Sortir de l’Union Européenne et de la zone euro et nationalisation des banques.

2) Restructuration de tout ou partie de la dette, une contribution propose par exemple de « transformer la dette illégitime en impôt exceptionnel face à la situation d’urgence économique et sociale »

3)  Instauration d’un protectionnisme solidaire aux frontières nationales : « pour le respect des droits du travail et environnementaux » ; la règle verte doit primer sur la « règle d’or »

4) Refondation de la coopération européenne et au-delà : demande forte de développer, en plus de ces propositions nationales, un nouveau type de coopérations, pas uniquement monétaires (productives, industrielles, culturelles), avec d’autres pays. Une contribution propose que la France soit à l’initiative d’un traité de refondation de ces coopérations.

De plus, différentes propositions évoquent le rapprochement culturel entre les peuples, de manière synchrone à la suppression de la monnaie unique (service civique, échanges culturels, rapprochement des recherches nationales, etc.).

3. De nouveaux mécanismes européens

Les contributions proposent la sortie de l’euro via un referendum en prenant appui sur l’article 50 du TUE : « Tout État membre peut décider conformément à ses règles constitutionnelles de se retirer de l’Union ».  Des différends portent sur le calendrier d’un tel référendum, avant le plan B ou bien comme faisant partie de tout le processus.

Trois contributions proposent l’idée d’une constituante européenne (l’un par élection directe, l’autre par agrégation de constituantes nationales). Cette proposition pourrait être intégrable dans l’idée d’un plan B de refondation des coopérations européennes.

Quelques contributions proposent de soutenir les monnaies locales complémentaires à la monnaie nationale (ou à l’euro), ou bien au niveau de circonscriptions territoriales ou bien via un mécanisme d’IOU : il s’agirait de « favoriser la création de monnaies locales pour contrecarrer les plans d’endettement et d’assouvissement des grandes banques. Les monnaies locales permettraient également de relancer l’économie interne du pays ».

Enfin, une contribution propose un referendum sur la participation de la France à l’espace Schengen. Cette contribution peut permettre de lancer une réflexion sur l’approfondissement de Schengen actuellement proposé par la Commission européenne qui souhaite la création d’un corps européen de garde-côtes (quand on coupe les budgets de ceux nationaux) et une militarisation de la gestion des frontières extérieures de l’UE.

V. Une France indépendante et altermondialiste pour la paix

1. Le conflit israélo-palestinien et la Françafrique

Le conflit israélo-palestinien et la Françafrique sont deux thèmes qui ressortent le plus fréquemment parmi les contributions. Si les contributeurs approuvent les prises de position de Jean-Luc Mélenchon sur ces sujets, ils proposent des  positions plus précises voire polémiques. En particulier :

Sur la Françafrique, certains proposent de mettre fin à la zone du Franc CFA. Il s’agit de la devise de 15 Etats africains (8 d’Afrique de l’Ouest et 6 d’Afrique centrale, et les Comores, 14 sont d’anciennes colonies françaises) qui signifiait « Colonies françaises d’Afrique » en 1939, « Communauté française d’Afrique » en 1958 et « Communauté financière africaine » ou « Coopération financière d’Afrique » désormais.

Le symbole de la fin de la Françafrique est fort puisque de nombreux liens postcoloniaux solides sont toujours présents. Au niveau militaire, la France possède plusieurs bases permanentes et deux opérations sont en cours en Afrique. Au niveau économique, de nombreux grands industriels français contrôlent des infrastructures portuaires et ferroviaires. Au niveau culturel, l’héritage postcolonial de la France n’est pas assumé par nos représentants. Il semble donc important d’instaurer des relations d’égal à égal entre les pays de la francophonie en promouvant nos valeurs politiques : l’harmonisation du droit social et environnemental.

Sur le conflit israélo-palestinien, les contributions sont nombreuses et reprennent des arguments usuels (reconnaissance de la souveraineté de la Palestine, frontières de 1967, droit au retour, campagne BDS).

2. La sortie de l’OTAN : quelle politique de défense pour la France ?

Si la sortie de l’OTAN est très largement plébiscitée par les contributeurs, ils s’interrogent sur les capacités militaires que doit avoir la France et la place de l’armée, en particulier :

  • la stratégie / doctrine militaire : pour promouvoir la paix, doit-on interdire les alliances avec d’autres nations ? Si non, avec quels pays émergents en nouer ? ;
  • la dissuasion nucléaire : faut-il la maintenir, la diminuer progressivement ? ;
  • les capacités militaires : doit-on réduire notre armée en hommes et matériel, voire se désarmer (et investir dans des politiques sociales) ? ;
  • la politique industrielle de l’armement : en France, garantir notre autonomie dans les technologies de défense. Mais à l’étranger : mettre fin à la vente d’armes ? 

Il semble opportun d’avoir une doctrine de défense claire étant donnée la saignée des effectifs et la RGPP brutale dans l’armée depuis 2008 (perte de 48 000 postes environ dont la moitié dans l’armée de terre ; difficultés pour la titularisation des contractuels ; condamnation de la France vis-à-vis du droit au syndicalisme reconnu par la Cour européenne en 2014). D’autre part, de nombreux enjeux sont attachés au développement de l’industrie nationale militaro-civile et des incertitudes politiques planent actuellement quant à la place et au rôle de l’armée (vigipirate, déploiements extérieurs). La promotion d’une armée respectueuse des droits des militaires et des droits de l’homme doit permettre de renforcer la transparence et les mécanismes de responsabilité au sein de l’armée.

3. Une politique étrangère en cohérence avec la transition écologique et le développement humain.

Enfin, les autres contributions sont majoritairement relatives aux conséquences internationales des principes gouvernant notre programme politique en France et au rôle de la diplomatie française.

Est proposée, l’instauration d’un tribunal financier international pour les crimes économiques(financiers spéculateurs, biens mal acquis, etc.), similaire au Tribunal international de justice climatique sous l’égide de l’ONU, qui était présente dans L’Humain d’abord. Plusieurs mécanismes peuvent être envisagés : 1) en élargissant la compétence de la Cour pénale internationale, 2) en créant un tribunal international ad-hoc (par traité, par résolution de l’AGNU ou du CSNU), 3) en France seulement, par compétence universelle (comme la Belgique, qui l’avait établie de manière large en 1993 pour les droits de l’homme avant de revenir dessus en 2003). Cette proposition s’inscrit dans la lignée des réflexions sur le système d’arbitrage du projet de TAFTA afin d’éviter des zones de non-droit et, dans les domaines où l’intérêt général prime, que les lobbys dictent leur loi.

VI. L’objectif  du progrès humain

1. La santé

La question de la dépendance fait l’objet de nombreuses contributions (conditions  d’accès et prise en charge dans les maisons de retraites ; statut de l’aidant ; organisation d’un service public dédié ; allocation handicap, etc.). Il est souvent souligné la nécessité de construire des propositions sur ces questions qui n’étaient pas traitées en tant que telles dans L’Humain d’abord. La question de la fin de vie et de l’euthanasie est également soulignée par de nombreuses contributions. Enfin, la lutte contre l’illettrisme doit également être prise en compte (proposition d’écrivains publics).

Déjà largement présente dans L’Humain d’abord, la nécessité d’une santé accessible à tou-te‑s est récurrente parmi les contributions. Cela vise différentes questions : la répartition géographique des médecins, l’influence de l’Ordre des médecins, l’existence d’une médecine à deux vitesses, etc. Certains souhaitent promouvoir les médecines alternatives ou douces mais d’autres contributions sont, à l’inverse, très critiques.

Plusieurs contributions proposent de légaliser le cannabis, pour décriminaliser l’usage, améliorer la qualité des produits et permettre de taxer les transactions devenues légales. Cette proposition est souvent complétée par l’idée d’information accrue sur les drogues, et même sur tous les psychotropes (proposition d’assises des addictions : drogues, tabac et alcool), avec le rappel que ces derniers ont un impact sanitaire plus lourd que les drogues. Un contributeur souligne la nécessité de sortir la morale de ce débat, pour permettre de traiter réellement les problèmes d’addiction (cf. débat sur les salles de shoot). La sensibilité aux ondes électromagnétiques ou le rôle nocif des pesticides sont également abordés.

2. L’éducation

Le système Erasmus est jugé positivement mais aussi comme inégalitaire car dépendant des ressources des étudiant-e‑s et de leurs familles. Une proposition recueillie suggère que tous les étudiant-e‑s puissent aller un semestre à l’étranger sans frais. La condition étudiante est abordée afin de prolonger « l’allocation d’autonomie » de l’Humain d’abord, notamment via une allocation universelle ou un revenu de base. Certaines contributions recommandent la suppression de l’ENA. Des solutions alternatives comme la suppression du concours externe sont aussi proposées.

La question de la durée de la semaine de cours à l’école est évoquée : elle est en France parmi les plus longues de l’OCDE, à l’opposé des recommandations des pédiatres. La question de la bonne formation des enseignants est centrale pour beaucoup de contributeurs. Elle n’avait pas été traitée en tant que telle par L’Humain d’abord. Plusieurs contributions abordent différents aspects de cette question :

  • L’apprentissage doit être centré sur la pédagogie plus que sur le disciplinaire.
  • Sensibilisation aux apprentissages alternatifs (Montessori, pédagogies de la non-violence) ou ayant trait aux modifications sociétales actuelles (numérique, écologie, production / consommation alimentaire).

Des contributions visent à l’inclusivité de l’école par différentes mesures reprenant des propositions telles que l’accompagnement précoce des enfants de moins de 3 ans, ou remettre des enseignements manuels à l’école.

3. Les nouvelles technologies

Plusieurs contributions invitent à soutenir et généraliser l’emploi des logiciels libres (notamment dans les administrations publiques).

Les demandes d’abrogation de la loi Hadopi, mesure prévue dans L’Humain d’abord, s’accompagnent de diverses propositions complémentaires, par exemple une « cotisation universelle » pour financer la création de contenus culturels immatériels.

Une contribution pose la question de la limitation de l’influence des intelligences artificielles et de l’automatisation dans le monde du travail.

4. Autres contributions diverses

L’instauration d’un service civique obligatoire pour toutes et tous est abordée plusieurs fois.

Plusieurs contributions condamnent l’omniprésence de la publicité. La généralisation de la mesure adoptée par la mairie de Grenoble (affichage promotionnel remplacé par l’affichage culturel, civique etc.) est proposée. D’autres propositions évoquent également la limitation de la publicité à la télé ou à la radio.

La question de la prostitution (interdiction/légalisation) apparaît dans certaines contributions sans qu’une position unanime ne se dégage entre les contributeurs.

Une proposition suggère que les entreprises aient l’obligation de proposer à leurs salarié-e‑s une offre d’activité sportive (soit directement, soit par le biais de chèques-sport).

Pour beaucoup, un durcissement de la loi contre la concentration des médias est cruciale.

VII. La France aux frontières de l’humanité

1. La mer

Une proposition porte sur le fait de contribuer à l’avancée des 36 propositions issues des travaux de la MedCop à l’adresse des négociateurs du sommet Cop21 à Paris, la prochaine étape-bilan étant le sommet Cop22 prévu à Marrakech au Maroc. Il s’agit par exemple de créer un « établissement d’enseignement, collège et lycée à vocation méditerranéenne » afin d’améliorer la « compréhension des réalités et des problématiques de la zone méditerranéenne : langues, histoire, religion, écologie, géographie, littérature, économie, sociologie, etc ». Plus largement, les 36 solutions proposées alimentent la réflexion sur le thème de la mer en intégrant les aspects de coopération régionale autour des espaces maritimes, notamment l’élaboration de formations universitaires thématiques sur le changement climatique, les énergies et les métiers de l’eau.

Il est en outre important de financer des initiatives de nettoyage du plastique des océans, via par exemple la technologie développée par la fondation TheOceanCleanup Intiative.

2. Le développement de l’industrie spatiale

Une contribution souligne la nécessité d’un État moteur pour mener à bien des projets innovants d’exploration spatiale et améliorer le rôle du public dans la définition des politiques spatiales, la coordination des différentes industries impliquées et la liaison entre la recherche fondamentale et l’industrie : « Un réengagement politique fort ouvrirait la porte à un développement industriel à très haute valeur ajoutée, ce dont notre pays a grandement besoin. Des nano-satellites, à la prospection minière robotisée, en passant par l’amélioration de systèmes de production et de stockage d’énergie, tout cela représente des technologies d’avenir accessibles à brèves échéances et dont le contrôle des brevets et des techniques constitue déjà aujourd’hui un enjeu capital ». Cela permettrait de lutter activement contre la privatisation actuelle massive de l’exploration spatiale. Aux États-Unis, les entreprises qui innovent sur le marché sont toutes privées : SpaceX, BlueOrigin le programme de Google Planetary Exploration. En Europe, la conception d’Ariane 6 a été confiée à une joint-venture de Safran et Airbus. De plus, l’Etat a décidé en 2015 de vendre ses parts (34% via le Centre National d’Etudes Spatiales) à Airbus Safran Lauchers.

Afin d’avoir un contrôle public sur les orientations en matière de politique spatiale et d’éviter que l’exploration spatiale ne soit dictée par des critères de rentabilité (ce qui provoquerait sûrement une crise écologique, aucun acteur n’aurait par exemple d’intérêt à se lancer dans les investissements nécessaires pour lancer un programme de dépollution de l’orbite basse), il est nécessaire de construire un pôle public de l’industrie spatiale. Cela pourrait passer par la prise de participation du CNES dans les industries clés du secteur : ArianeSpace, Airbus Safran Launchers (ASL) ou encore Airbus Defense and Space. Cette proposition est un préalable à la mise en œuvre d’autres contributions relevées sur le site comme « une Ariane écolo » (enjeu du lanceur réutilisable) ou « lancer un programme de dépollution de l’orbite basse ».

Il est également proposé de lancer un programme de centrale solaire orbitale, c’est-à-dire un satellite construit en orbite haute qui permet de transmettre de l’énergie à une antenne terrestre grâce à un système de transmission d’énergie par micro-ondes ou par laser. L’avantage technique réside dans le rendement élevé d’une telle centrale du fait de son exposition constante au soleil. Le rendement énergétique serait « huit fois supérieur d’un panneau solaire en orbite par rapport à un panneau terrestre», les centrales solaires orbitales étant jugées a priori « rentables à partir de 150$ le baril de pétrole ». Pour l’instant, les coûts de construction restent trop élevés pour qu’une CSO puisse concurrencer les sources d’énergie conventionnelles. L’agence japonaise JAXA a lancé un programme de recherche avec l’ambition de lancer une centrale solaire orbitale à l’horizon 2040 utilisant la technologie de transmission d’énergie par micro-ondes. Airbus Defense and Space, filiale d’EADS et leader européen dans l’aérospatiale, a également lancé un programme de recherche baptisé “Space Based Solar System” visant à développer des centrales solaires orbitales utilisant la technologie laser.

*Avertissement : Cette page est une synthèse de la première vague des contributions des membres du mouvement. Elle est donc nécessairement incomplète et essaie de refléter à la fois la diversité et l’originalité de certains apports tout en tenant compte de la récurrence de certains sujets. Il ne s’agit donc pas d’une ébauche de programme mais plutôt d’une fiche de lecture des 1600 premières contributions. Ainsi, certains thèmes gouvernementaux fondamentaux ne sont pas abordés dans cette première synthèse (par exemple : nucléaire, sécurité, droits LGBT). Ils le seront certainement dans une prochaine synthèse regroupant de nouvelles contributions.