Interpellation des listes aux élections européennes par différents collectifs sur des questions liées à la culture et les réponses de la liste La France insoumise pour les élections européennes 2019.

Les réponses aux questionnaires

L’art et la culture sont au cœur de notre projet de civilisation, la culture peut contribuer à remettre le monde à l’endroit, à rendre impossible une vision comptable de l’existence. Les arts du spectacle et toutes les disciplines artistiques, y compris aujourd’hui celles en marge du cadre institutionnel et pourtant très répandues, sont des vecteurs de transformation sociale, d’émancipation individuelle et collective.

Pour la période 2021–2027, le budget total d’Europe créative a doublé, il est donc de 2,8 milliard pour 7 ans. Toutefois précisons qu’uniquement 33% de ce budget est consacré à la culture, le reste revient aux médias et 9% est aux activités transsectorielles que vous évoquez. C’est donc d’un budget pour la culture de 132 millions par an dont il est question. Ce choix, contre le discours ambiant en faveur des « valeurs européennes » signe l’abandon de toute ambition culturelle européenne. Précisons donc que l’Union européenne limitée par les traités et le budget Europe créative n’intervient qu’en simple « soutien » des politiques nationales ou par des actions d’appui.

La création de « nouveaux programmes accessibles à un large éventail d’opérateurs culturels et artistiques » passe pour nous par un préalable de définition claire et sans ambiguïté d’une politique culturelle européenne ouverte à la diversité de création mais tenant le divertissement de masse à distance. Nous défendrons une “exception culturelle” qui marque une frontière avec le marché.

Dans ce cadre nous considérons qu’il faut   réorienter « Europe créative » par l’institution de structures européennes de travail artistique commun pour favoriser les échanges entre artistes dans une logique de recherche et de création.

Tout ce qui participe des échanges et découvertes culturels intra-européens ciblant la jeunesse, comme Erasmus en a été la matrice, nous paraît positif. Des projets culturels étroitement liés à des projets éducatifs, mobilisant des lieux de culture, des lieux d’enseignements artistiques, peuvent constituer autant de passerelles entre jeunes de tous Etats-membres.

Nous restons d’une absolue vigilance vis-à-vis de tout projet qui s’inspirerait de près ou de loin des “pass culture” mené en Italie et mis en expérimentation en France. La culture, l’éducation publique, l’édification citoyenne doivent participer d’une même démarche politique.

Nous sommes attentifs aux expérimentations sociales, culturelles de transformation d’espaces, aux micro-territoires créatifs, aux fabriques culturelles. Ces projets généreux et créatifs sont des maillons dynamiques pour faire société.

Ils représentent souvent des prototypes de micro territoires encourageant l’implication citoyenne. Les politiques culturelles doivent non seulement soutenir ces expériences mais aussi la réflexion qui les accompagne favorisant ainsi la formalisation de modèles, de prototype, de méthodologies pour un maillage du territoire sans pour autant s’accompagner d’un désengagement du service public de la culture.

Pas de culture sans lieux de culture accessibles, donc répandus sur les territoires et proches des citoyens de tous les Etats-membres.  En cela, notre revendication d’un maillage significatif des territoires en équipements culturels devra trouver sa traduction en Europe. Pas de culture sans diversité de création.

Une identification précise et détaillée des actions artistiques et sociales à l’intérieur de l’Europe, reposant sur ces exigences, permettrait d’en mesurer la qualité, l’ampleur et l’impact. Ceci constituerait une matrice et rendrait possible un soutien argumenté auprès des instances européennes.

Monsieur le Président,

Les candidats pour les élections européennes de la liste France insoumise, dont je suis la tête
de liste, sont comme vous, très attachés au plurilinguisme dans les institutions européennes et
dans les documents de travail au sein de l’Union européenne.

Nous pensons que la prédominance de l’anglais dans les échanges européens sert les intérêts
politiques, militaires et économiques des Etats-Unis et la mondialisation néolibérale.
L’obligation pour les fonctionnaires et les élus de travailler sur des textes en anglais traduits
ou non est encouragée par les technocrates bruxellois. Cet usage systématique de l’anglais est
très équivoque. L’élargissement a renforcé le choix de l’anglais comme outil linguistique
commun, simple prétexte puisque ce choix est en réalité un vecteur d’uniformisation et
d’impérialisme.

Pendant les négociations des traités de libre-échange, nous avons pu constater que la langue
administrative utilisée empêchait la plupart des parlementaires européens de saisir les
implications du texte dans leur propre langue. Les documents consultables n’étaient pour la
plupart même pas traduits.

L’utilisation de l’anglais sur les plans politique ou économique au niveau européen tend à
faire accepter la langue comme utilitaire : un simple moyen neutre d’échange et
d’information. Or, la langue est un creuset commun de construction de l’identité. Elle exprime
une appartenance commune, des idées propres. La langue et son utilisation sont en réalité
éminemment politique, éléments de notre diversité culturelle. L’hégémonie nord-américaine
du libre-échange militarisé passe aussi par l’utilisation mondiale de l’anglais. Nier ces
particularités est, comme vous le soulignez, problématique et dangereux. La langue transmet
un sens, des idées, une vision du monde.

Les Etats-Unis ont réussi à convertir le monde à l’anglais mais l’espace européen doit rester
un espace plurilingue où le français et la francophonie ont toute leur place. Notre pays protège
sa langue, bien qu’elle soit attaquée par la commission bruxelloise et nous devons encourager
les autres à faire de même. Les instances européennes cherchent, en s’appuyant au niveau
européen sur le principe de « concurrence libre et non faussée », à casser les jugements
contre les contrevenants linguistiques condamnés en France au titre de la loi Toubon,
loi qui dispose que le français est la langue du travail et des échanges. Nous voyons bien tout
le danger du renoncement au plurilinguisme : à travers l’utilisation généralisée de l’anglais,
c’est bien le droit libéral qui est défendu.

Nous défendons au niveau national un enseignement diversifié des langues, pour que l’anglais
ne devienne pas de fait la seule langue étrangère enseignée dans toute l’Europe dès l’école
primaire. Les langues nationales seraient alors rapidement dénaturées, reléguées et éliminées
au détriment de la diversité culturelle européenne et mondiale.

Nous appuierons au Parlement européen un rééquilibrage des usages linguistiques. Dans cette
optique, nous nous engageons notamment à défendre l’usage de la langue française dans les
institutions européennes. Il nous semble important que les documents de travail puissent être
accessibles, et pour les citoyens et pour les parlementaires, dans les différentes langues européennes. Les fonctionnaires européens doivent pouvoir écrire dans leur langue, faisant ainsi apparaître des nuances rendues invisibles par l’usage impératif et global de l’anglais.

Les coupes dans les budgets d’interprétation et de traduction sont inadmissibles dans une
Union européenne qui compte vingt-quatre langues officielles.

Nous ne laisserons pas l’anglais devenir la seule langue en Europe et nous défendrons le
plurilinguisme, richesse de l’Europe.

Madame, Monsieur,

Nous vous remercions d’avoir attiré l’attention de notre mouvement sur les revendications portées des organisations professionnelles du cinéma dans le cadre de la campagne des élections européennes. Nous en avons pris connaissance et souhaitons vous faire part de
notre engagement renouvelé pour protéger les professionnels de la culture et défendre une ambition forte pour le cinéma français.

Est-il normal que, pour la seule raison que des crédits d’impôts nationaux permettent de compléter le budget de production de certains films français, la post production en soit assurée à l’étranger ?

La réponse qu’apporte la France Insoumise est assurément : non.

L’harmonisation des crédits d’impôts peut être une proposition portée par les nouveaux députés au Parlement européen mais elle parait moins envisageable qu’une refonte du système de crédit d’impôts français pour le cinéma. Tout d’abord, la validité des différents dispositifs a été attestée au regard du droit européen et c’est l’exception culturelle qui les autorise, au même titre que les nombreuses aides automatiques et sélectives qui permettent la vitalité du cinéma français. L’hypothèse d’un consensus politique européen pour harmoniser les crédits d’impôts parait à ce jour illusoire.

De plus, avec près de 600 millions d’euros de crédit d’impôts pour le cinéma en dix ans, la France n’est pas en reste. La volumétrie du cinéma français en ce domaine est comparable à celle de la Belgique avec un crédit d’impôt moins attractif. Les nombreux tournages étrangers sur le territoire français constituent d’importantes sources de richesse pour notre industrie et notre pays en général.

Enfin, tout en précarisant certains métiers de notre industrie, l’existence des systèmes de crédits d’impôts a été une opportunité financière et a contribué à renforcer au fil des années la production française. Près de 43% des films français sortis en 2018 étaient des coproductions.
En revanche, nous appelons de nos vœux une nouvelle édition de l’étude comparative du CNC sur les crédits d’impôts européens ainsi que l’évaluation du système de crédit d’impôt français. En 2014, l’analyse commandée par le CNC concluait à la plus grande attractivité
des crédits d’impôts disponibles dans d’autres pays européens par rapport au dispositif français. Elle mettait en évidence la souplesse des dépenses éligibles et le caractère avantageux des plafonds des crédits d’impôts à l’étranger mais soulignait aussi les avantages du crédit d’impôts français, qui n’oblige pas à la mise en place de coproductions.

Ainsi, la réponse à la concurrence des crédits d’impôts et à la crise de la postproduction en France pourrait être apportée par des politiques publiques nationales ambitieuses pour soutenir ce segment de l’industrie qui passerait notamment par : 1/ développement des aides automatiques et sélectives à la postproduction, 2/ remise à plat du système d’incitation fiscale français pour l’aligner sur les crédits d’impôts d’autres pays européens et 3/ soutien public aux entreprises stratégiques françaises du secteur.

Alors que la Cour des Comptes semblait encore récemment souhaiter raboter cette dépense fiscale, la France Insoumise insiste sur le besoin d’une volonté politique forte, clairement exprimée, pour réformer les crédits d’impôts français pour le cinéma, afin de défendre des services intégrés compétitifs de postproduction et les savoirs faire français.

Notre équipe est à votre disposition pour échanger dans les semaines à venir à ce sujet.