Sommaire

Notre constat : Un service public à la dérive 

La justice, qui devrait être le cœur battant du pacte républicain fondé sur l’exigence d’égalité et sur la garantie des libertés, est abandonnée. Pire, elle est maltraitée. Son fonctionnement est dicté par une rationalité froide qui la prive de ses moyens autant qu’elle la dépossède de sa mission d’intérêt général. Cette logique purement gestionnaire implique une simplification des procédures pénales par le recul des droits de la défense et une complexification des procédures civiles pour tarir le flux des recours des justiciables.

Ses agent·es, trop peu nombreux, sont soumis·es à une charge de travail intenable et à une obsession du chiffre qui répond à une politique néolibérale délétère. Les justiciables, dans leur recherche de reconnaissance et de dignité, sont trop souvent abandonné·es à leur sort.

Ce constat, nous le partageons avec les milliers de magistrat·es, greffier·es et avocat·es qui dénoncent avec force leurs conditions de travail et la souffrance de toute l’institution judiciaire.

Les chiffres sont sans appel : alors que les pays du Conseil de l’Europe comptent en moyenne 21 juges professionnel·les pour 100 000 habitant·es, la France n’en dénombre que 11. Son budget moyen, de 69 euros par habitant·e, est en dessous de la moyenne européenne (72 euros) et presque deux fois moindre qu’en Allemagne. Son parc immobilier est vétuste, le matériel informatique obsolète, les dossiers s’empilent et les délais s’allongent déraisonnablement.

Les établissements pénitentiaires insalubres et surpeuplés font l’objet de rapports alarmants et de condamnations régulières par la Cour européenne des droits de l’homme, qui souligne l’indignité des conditions « inhumaines et dégradantes » d’incarcération. La cause de ce surpeuplement est connue : deux décennies d’une politique pénale répressive inique, inepte, irrationnelle, qui méconnaît la délinquance et ses racines, avant tout sociales. En miroir, les infractions en « col blanc » sont encore trop peu poursuivies, par manque de moyens autant que de volonté politique, créant une justice à deux vitesses en rupture avec la promesse républicaine d’égalité devant la loi.

C’est donc une justice injuste que nous lègue l’incurie libérale : une justice de classe, faible avec les forts, féroce contre les faibles.

Au surplus, la Ve République abandonne à la tutelle monarchique du chef de l’État l’institution judiciaire et l’improbable garantie de son indépendance. Le rétablissement de cette dernière, autant que le bon fonctionnement et la dignité d’une justice par et pour le peuple appellent une République nouvelle.

Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous feront blanc ou noir »  

Jean de La Fontaine

Notre projet : La justice de la 6ème République

L’État de droit est une force. Rempart face à un exécutif aux inclinations absolutistes, il assure à toutes et tous le respect indérogeable de ses droits fondamentaux. C’est une conquête historique de la République. La justice doit en être la gardienne.

La justice ne doit pas rester qu’un idéal ; la défense des libertés fondamentales en sera la boussole. Elle devra être à la hauteur des nouveaux défis de l’humanité, notamment ceux de la justice climatique autant que de la justice fiscale et des enjeux du quotidien en prenant toute sa place dans les sphères du travail, de la lutte contre les discriminations, et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Une révolution judiciaire est nécessaire. Celle-ci offrira les garanties d’une justice revalorisée et suffisamment dotée, indépendante du pouvoir exécutif, traitant les justiciables avec dignité et équité.

La convocation de l’Assemblée constituante permettra de réinventer une justice rendue véritablement au nom du peuple. Elle décidera souverainement des nouvelles institutions capables de la reconnecter avec l’intérêt général.

Nos propositions sont articulées autour de trois idées forces : un service public assurant la défense de l’intérêt général et l’égalité entre les justiciables, une politique pénale plus humaine et garante des libertés, une justice indépendante et conforme aux principes républicains.

Nos propositions : Garantir le service public, défendre les libertés

Organiser et financer un véritable service public de la justice

Permettre à la justice de mener à bien ses missions

  • Adopter une nouvelle loi de programmation pluriannuelle fixant l’objectif d’une nette augmentation du budget afin de parvenir au niveau des principaux pays de l’Union européenne (UE) en matière de moyens consacrés à la justice
  • Augmenter les effectifs des services judiciaires afin de parvenir au nombre approprié de magistrat·es et de fonctionnaires par habitant·e. Une attention particulière devra être portée sur la diversité des parcours et des profils. Les services de médecine du travail du ministère de la Justice seront renforcés.

Une politique de recrutement à la hauteur des besoins

Nous prévoyons un grand plan de formation et de créations de postes dans l’ensemble des métiers de la justice et du droit avec :

  • 13 000 magistrat·es
  • 20 000 greffier·es
  • 10 000 personnels administratifs
  • 2 000 greffier·es de l’administration pénitentiaire
  • 5 000 conseiller·es pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP)
  • 3 000 personnels administratifs de l’administration pénitentiaire
  • 4 000 personnels administratifs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)
  • 6 000 agent·es de la Protection judiciaire de la jeunesse
  • 2 000 personnels dédiés à l’accès au droit, à l’aide aux victimes et à l’Aide Juridictionnelle
  • Revenir sur l’intégration de l’École nationale de la magistrature (ENM) aux formations de tronc commun de l’Institut national du service public (anciennement ENA) et rapprocher les professions judiciaires par la facilitation de passerelles entre magistrat·es et avocat·es, greffier·es. Nous garantirons l’accès à des préparations aux carrières juridiques auprès de tous les milieux sociaux pour ouvrir la magistrature à tous les segments de la société, notamment en renforçant les moyens et en instaurant la gratuité des préparations publiques que sont les instituts d’études judiciaires (IEJ)
  • Mettre en œuvre un plan de numérisation et de dotation en matériel informatique de l’ensemble des juridictions. La crise du Covid et le piratage informatique ont révélé, s’il en était encore besoin, combien les tribunaux et les personnels sont sous-dotés
  • Mettre en place un plan de rénovation des juridictions. Pour la création de tout nouveau bâtiment, sa conception sera pensée avec l’ensemble des professions judiciaires et les usager·es. Ce plan devra systématiquement intégrer les impératifs d’accessibilité aux personnes en situation de handicap

La justice civile : revaloriser une justice du quotidien

Divorce, affaires familiales, ou encore contentieux de copropriété, la justice civile, qui représente 75 % du volume de l’activité judiciaire est avant tout la justice du quotidien. Si elle n’occupe pas autant le débat public que la justice pénale, elle n’est en revanche pas moins en souffrance. 

Là aussi règne la gestion de la pénurie, une approche comptable qui défigure la procédure civile pour, quoi qu’il en coûte, traiter le stock, y compris en asséchant le flux. Derrière les notions feutrées de stock et de flux, c’est en réalité l’éloignement des justiciables que l’on organise implacablement, quitte à faire de la procédure civile un véritable parcours d’obstacles, tout entier organisé au service de ce qui devient un véritable déni du droit d’accès à un juge.

Nous abrogerons en conséquence le décret Magendie, qui a ajouté des contraintes à la procédure d’appel, et nous réformerons la procédure civile avec comme préoccupation première la clarté et la simplicité au bénéfice des justiciables. 

Nous donnerons également toute sa place à l’audience, moment essentiel d’un véritable débat contradictoire et d’un procès équitable. Toutes les parties doivent pouvoir être réellement entendues, le plus souvent possible en formation collégiale. À cette condition, et en disposant du temps et des moyens qui sont indispensables pour dépasser l’obsession du rendement, les juridictions civiles retrouveront la qualité d’écoute et de jugement que les justiciables sont en droit d’attendre. Il sera par conséquent indispensable d’y affecter une part majeure des nouveaux greffier·es et magistrat·es dont nous organiserons le recrutement.

Améliorer le fonctionnement des juridictions

  • Redéfinir la carte judiciaire à partir d’une analyse approfondie des besoins des populations. Nous reviendrons sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice de Nicole Belloubet qui a fait fusionner les tribunaux d’instance de proximité avec les tribunaux de grande instance, pour créer des tribunaux judiciaires. Nous réouvrirons des dizaines de tribunaux de proximité
  • Revenir au principe de collégialité de toutes les formations de jugement
  • Réformer les tribunaux de commerce : instaurer l’échevinage (au moins un juge professionnel par formation de jugement), accroître la présence du Parquet, renforcer la formation des juges consulaires, renforcer la déontologie et la prévention des conflits d’intérêts et, parallèlement, fonctionnariser les greffes de ces tribunaux

La justice prud’homale : entre manque de moyens et lutte des classes

Les conseils de prud’hommes sont aujourd’hui les parents pauvres de la justice française. Alors qu’ils remplissent la mission essentielle de faire appliquer les règles du Code du travail, celles qui protègent les salarié·es face aux employeurs, ils sont structurellement sous-dotés en moyens financiers et humains depuis plusieurs quinquennats. 

Conséquence : les salarié·es, parties faibles au contrat de travail, ne peuvent faire valoir leurs droits dans des délais raisonnables et finissent trop souvent par se résigner à ne plus porter le fer au contentieux. Ainsi, en dix ans, le nombre de saisines des conseils de prud’hommes a été divisé par deux, créant un déni de justice massif

Il est manifeste que les mauvais employeurs ont tout à gagner d’une justice prud’homale dysfonctionnelle. S’attaquer à ce chantier est donc primordial si l’on souhaite inverser le rapport de force dans les entreprises, cesser de voir le recul de nos droits et en gagner de nouveaux.

Nous restaurerons donc les prud’hommes pour assurer aux salarié·es un véritable recours effectif lorsque leurs droits sont en cause, avec les mesures suivantes : 

  • Procéder au remaillage territorial des juridictions pour les rapprocher des justiciables
  • Faciliter et simplifier la saisine des conseils de prud’hommes et les règles de procédure pour permettre au plus grand nombre de faire valoir leurs droits. Nous favoriserons également l’organisation d’audiences foraines (se déplacer dans une localité dépourvue de palais de justice pour y rendre la justice)
  • Augmenter substantiellement les effectifs (magistrat·es et greffier·es) et les budgets de fonctionnement pour assurer cette grande mission de service public et donner ainsi plus de temps aux magistrat·es pour instruire les dossiers
  • Revenir au délai de prescription de 3 ans (au lieu de 1 an actuellement) dans les cas de rupture du contrat de travail

Nous engagerons une réflexion sur la place des magistrat·es professionnel·les au sein de cette juridiction paritaire afin de proposer, dans le cadre d’une conférence sociale, la mise en place de l’échevinage dès le bureau de jugement (juridiction mixte composée de magistrat·es professionnel·les et non-professionnel·les). 

Renforcer l’accès au(x) droit(s)

  • Développer l’accès au droit par la création de nouveaux points d’accès à tous les niveaux (structures municipales, départementales et étatiques) ainsi que par le soutien aux associations
  • Revaloriser immédiatement l’aide juridictionnelle (augmentation et redéfinition des subsides accordés aux avocat·es). Les actes pouvant bénéficier de cette aide seront élargis à la phase de conseil et de pré-contentieux. Les plafonds seront révisés à la hausse et les seuils rendus plus progressifs de manière à assurer une plus grande accessibilité pour tous les justiciables
  • Renforcer le système des avocat·es commis·es d’office en matière pénale en revalorisant leur rémunération
  • Élargir, simplifier et faciliter la procédure de l’action de groupe afin de permettre un véritable recours effectif dans les matières qui lui sont dévolues, notamment celle de la discrimination dans l’emploi et celle de la protection de l’environnement
  • Créer un pôle judiciaire de lutte contre les discriminations et les violences intra-familiales, sexuelles et sexistes, par tribunal, comprenant des magistrat·es du siège et du parquet ainsi que des officier·es de police judiciaire spécialisé·es. Ce pôle permettra notamment d’orienter convenablement les justiciables dans leurs démarches et procédures et former leurs collègues au traitement de ces affaires.
  • Obliger le Parquet à rendre une décision et à la communiquer pour chaque dépôt de plainte, dans un délai raisonnable
  • Donner plus de moyens au Défenseur des Droits et lui confier de nouvelles missions, dont le contrôle et l’inspection des missions de police
  • Intégrer une initiation au droit dans les programmes du collège et du lycée. En effet, l’ignorance de ses propres droits et du fonctionnement de la justice nourrit fortement le sentiment d’injustice et affaiblit l’intervention citoyenne dans le champ politique

Encadrer les nouvelles pratiques

  • Limiter à certaines matières le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges que sont par exemple la médiation ou l’arbitrage pour éviter la privatisation du service public de la justice et ses dérives mais aussi pour protéger, dans chaque litige, la partie la plus faible
  • Assurer la transformation numérique en moyens logiciels et matériels suffisants. Limiter drastiquement l’usage de la visioconférence (notamment en matière pénale et en contentieux des étranger·es), encadrer le fonctionnement des legaltech (usage de la technologie dans la justice) et interdire toute justice prédictive

Refonder la justice pénale 

Dépasser l’horizon carcéral, promouvoir la réparation et la réinsertion

La politique pénale de la France, lancée encore et toujours dans une course en avant répressive, est un échec. Suroccupation, délabrement, les qualificatifs ne manquent pas pour dire la réalité de nos prisons, contraire à l’objectif recherché de prévenir la récidive, autant qu’à l’impératif de respect de la dignité humaine.

Nous avons la conviction qu’il est temps de refonder l’échelle des peines et de repenser la logique de la justice pénale afin de redonner toute leur place aux objectifs de réparation et de réinsertion sociale. Nous supprimerons ainsi le référentiel carcéral pour bon nombre de délits (outre la dépénalisation de certains d’entre eux et la loi d’amnistie qui s’en suivra), en privilégiant une peine de probation en milieu ouvert plus lisible, prononcée à titre principal. Celle-ci, unifiant les différents dispositifs existants, modulable et individualisable, s’articulera autour de trois piliers : réparation – suivi – réinsertion. Des moyens spécifiques seront mis pour démultiplier les capacités de placement à l’extérieur, avec les associations, ainsi que directement par l’administration pénitentiaire.

Mettre en œuvre une politique ambitieuse à même de prévenir la récidive, de proposer systématiquement une démarche restaurative (pour les auteur·es et les victimes), de mieux préparer la réinsertion sociale par un accompagnement renforcé : voilà un horizon raisonnable.

Pour ce faire, la contribution des 5000 conseiller·es pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) supplémentaires est essentielle, notamment pour réinvestir le travail social aux côtés de la dimension criminologique. Côté magistrat·es, nous renforcerons drastiquement le nombre de juges d’application des peines, à même de prononcer la bonne peine de probation convenant à la personnalité de l’auteur·e.

Nous conduirons par conséquent une politique de déflation pénale, et donc carcérale, seule à même de lutter efficacement contre la récidive. Nous rétablirons le caractère exceptionnel de la détention provisoire et, dans les hypothèses où l’emprisonnement restera le référentiel, nous rétablirons le calcul automatique des remises de peine. Enfin, parce qu’il faut également repenser la modalité même du dispositif carcéral, la France doit rattraper son retard dans la création de centres pénitentiaires ouverts ; ceux-ci deviendront la norme. 

Rompre avec l’impunité des puissances de l’argent

  • Doubler les moyens et les effectifs des pôles d’instruction dédiés aux infractions financières, en complément du renforcement de leurs moyens d’enquête
  • Repenser les peines en matière de corruption, délinquance en « col blanc », infractions sanitaires et environnementales et de droit pénal du travail et doter chaque tribunal d’un pôle spécialisé afin de renforcer la lutte contre ces infractions
  • Afin de lutter contre l’impunité des grandes firmes transnationales, faciliter l’engagement de la responsabilité pénale des sociétés mères pour les fautes commises par leurs filiales par des moyens d’enquête supplémentaires : notamment sur les questions de santé et sécurité au travail, corruption, droits humains fondamentaux, etc.
  • Faciliter les poursuites contre les entreprises, les associations ou leurs filiales en cas d’activités illicites ou de fraude fiscale permettant le financement du terrorisme. À ce titre, nous mettrons en place une obligation de coopération des entreprises avec l’administration fiscale à raison de la nature sensible ou du lieu d’exercice de leurs activités
  • Supprimer le « verrou de Bercy » restant en matière fiscale, c’est-à-dire le pouvoir donné au ministère du Budget de faire obstacle aux poursuites pénales contre les fraudeur·ses fiscaux·ales. La justice retrouvera ainsi la plénitude de ses compétences et son indépendance
  • Supprimer la convention judiciaire d’intérêt public pour que la justice financière et la justice environnementale ne soient plus des justices d’impunité pour la criminalité en col blanc et les plus gros pollueurs
  • Renforcer la protection juridique des lanceur·ses d’alerte selon les recommandations des associations spécialisées, notamment en leur confiant un statut de salarié·e protégé·e, en permettant aux personnes morales d’être lanceuses d’alerte, ainsi qu’en permettant la prise en charge des frais de justice des lanceur·ses d’alerte le cas échéant
  • Confier l’agrément des associations anti-corruption leur permettant d’agir en justice à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour garantir l’absence de conflit d’intérêt et éviter toute pression du pouvoir exécutif

Affermir les droits de la défense 

  • Conforter le caractère constitutionnel des droits de la défense, afin de mieux en garantir l’effectivité à chaque étape de la procédure. La défense est un droit pour tou·tes et non le privilège de quelques-un·es
  • Renforcer les droits de la défense des personnes gardées-à-vue (accès au dossier complet, limitation à 72 heures dans tous les cas de placement, suppression de la retenue administrative pour les personnes sans-papiers, garantir l’accès à un·e avocat·e dès la première audition) et soumettre les placements en garde à vue à la décision du juge des libertés et de la détention
  • Assurer la présence de l’avocat·e durant la perquisition, ainsi que la possibilité de formuler demandes et observations jointes à la procédure
  • Restaurer la pleine opposabilité du secret professionnel des avocat·es
  • Réaffirmer le principe de la présomption d’innocence, notamment en supprimant les box de verre dans les salles d’audience, qui constituent un traitement dégradant selon la Cour européenne des droits de l’homme
  • Abroger la procédure de comparution immédiate car elle crée une justice expéditive piétinant les droits de la défense, constitue la principale cause de surpopulation carcérale et affecte principalement les classes populaires
  • Abroger la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, appelée aussi plaider-coupable, source d’inégalité de traitement
  • Modifier la règle selon laquelle les procès-verbaux de police font foi jusqu’à preuve du contraire en matière contraventionnelle. En effet, cette pratique institue un inversement de la charge de la preuve faisant échec aux droits de la défense et au droit à un recours effectif, et donne ainsi un quasi-pouvoir de jugement aux forces de l’ordre, qui se retrouvent alors juges et parties. Le rétablissement de la charge de la preuve sur l’accusation permettrait ainsi d’empêcher l’utilisation abusive des contraventions comme un outil politique de lutte contre les personnes considérées comme indésirables par le pouvoir : habitant·es des quartiers dits populaires, opposant·es politiques et manifestant·es, militant·es associatif·ves, etc.
  • Abolir la rétention de sûreté ainsi que les mesures de sûreté instaurées par la loi du 30 juillet 2021

Garantir la dignité en prison

« Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons »

Fiodor Dostoïevski 
  • Rénover l’ensemble des structures pénitentiaires pour les conformer aux exigences de la dignité humaine, en mettant en œuvre une véritable politique de rattrapage pour les structures ultramarines
  • Appliquer enfin le principe de l’encellulement individuel. Pourtant adopté en 1875, ce principe, essentiel à des conditions dignes de détention, est resté depuis lettre morte 
  • Mettre en place un système de régulation carcérale de manière à ce que les conditions de détention ne soient plus la variable d’ajustement du système pénal
  • Renforcer la prise en charge psycho-sociale en milieu fermé comme en milieu ouvert. En effet, la prise en charge médicale notamment psychiatrique, indispensable au bien-être des personnes concernées, ne doit pas être entravée par les seules considérations sécuritaires
  • Renforcer les droits des personnes détenues, en favorisant l’exercice du droit d’expression et de participation en détention ainsi que le droit au recours contre l’indignité, en alignant le droit du travail des détenu·es sur le droit commun, en combattant l’isolement linguistique des détenu·es non-francophones, et en favorisant le maintien des liens familiaux. Porter une attention particulière aux conditions d’incarcération des personnes transgenres
  • Autoriser les communications téléphoniques et numériques entre l’avocat·e et la personne détenue, en garantissant leur confidentialité
  • Créer un service interministériel pour la réinsertion, la formation et l’emploi des détenu·es
  • Donner plus de moyens au Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL)
  • Assurer un égal accès aux droits, aux aménagements de peines, à la formation, etc., pour les femmes en détention

Protection de l’enfance : un enjeu majeur

À rebours de la contre-réforme de la politique pénale des mineur·es du ministre Dupond-Moretti, mise en oeuvre à marche forcée et contre l’avis de l’ensemble des professions concernées, nous entendons réaffirmer les principes de l’ordonnance de 1945 : la primauté des mesures éducatives contre le tout-répressif, la spécialisation de la justice, l’excuse de minorité. Nous voulons :

  • Abroger le nouveau code de justice pénale des mineur·es de Dupond-Moretti et créer un Code de l’Enfance unifié, qui reprendra l’ensemble des dispositions civiles et pénales applicables aux mineur·es. Un·e mineur·e qui entre en conflit avec la loi est bien souvent un·e enfant en danger. Ce code visera à mettre en place une politique globale autour de la protection de l’enfance et de l’accompagnement éducatif et judiciaire des mineur·es
  • Remettre à plat la prise en charge des enfants en difficulté. Nous revaloriserons la prévention spécialisée et nous rendrons plus efficients les liens de celle-ci avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui verra ses moyens et effectifs augmenter. Nous réaffirmons la double compétence du juge des enfants et de tous les services pour agir sur les plans civil et pénal. Concernant l’Aide sociale à l’enfance (ASE), nous repenserons véritablement le système de protection de l’enfance autour de l’intérêt supérieur de l’enfant pour en finir avec la maltraitance institutionnelle
  • Prendre en charge inconditionnellement les mineur·es isolé·es étranger·es par l’État, et garantir l’intervention systématique d’un·e avocat·e à leurs côtés et supprimer le recours aux tests osseux
  • En finir avec la rétention des mineur·es non accompagnés, en CRA comme en zone d’attente, ainsi que, pour l’ensemble des mineur·es, le placement en hôtel, en augmentant la capacité d’accueil et d’accompagnement des établissements et services du médico-social
  • En finir avec l’enfermement des mineur·es. Parce que l’éducation et l’insertion sont de meilleures réponses que l’incarcération, nous redonnerons toute leur place aux mesures éducatives et mettrons fin aux établissements pénitentiaires pour mineur·es ainsi qu’aux centres éducatifs fermésAssurer la désignation systématique d’un·e avocat·e formé·e assistant le ou la mineur·e en matière d’assistance éducative
  • Pour tou·tes les jeunes, rétablir une possibilité de protection judiciaire civile jusqu’à 21 ans
  • Restaurer la compétence de l’État dans l’exécution des décisions des juges des enfants en matière de protection de l’enfance, pour éviter les inégalités actuelles de traitement d’un département à l’autre, en renationalisant l’ASE

Affirmer une justice républicaine

Assurer une justice indépendante du pouvoir exécutif

Sans attendre de modifier la Constitution, nous proposons de :

  • Mettre en œuvre une loi d’orientation de politique judiciaire, pénale et civile, restreignant les actuelles circulaires de politique pénale et civile à de la stricte déclinaison de la volonté du Parlement
  • Rattacher l’Inspection générale de la justice auprès du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour garantir l’indépendance de l’Inspection vis-à-vis du Ministère
  • Limiter la possibilité pour les magistrat·es de passer entre parquet et siège tout au long de leur carrière, en fixant des règles strictes garantissant au maximum l’impartialité
  • Redéfinir et encadrer strictement les conditions de mobilité des magistrat·es en administration centrale ou en fonction de cabinet ministériel
  • Renforcer l’indépendance des juges d’instruction par la collégialité et le rattachement de la police judiciaire au ministère de la Justice
  • Encadrer et limiter le recours aux magistrat·es placé·es (affecté·es de manière temporaire pour combler un manque). Parce que nous refusons la logique de gestion de la pénurie qui prévaut, ainsi que l’atteinte à l’inamovibilité et à l’indépendance des juges, le recours à la délégation sera strictement limité aux remplacements ponctuels (arrêts maladie, congés…) et, sous réserve de consentement du ou de la magistrat·e placé·e, pour sa seule mais entière durée. Les contrats d’objectifs associés à la délégation seront donc supprimés
  • Interdire les remontées d’informations individuelles sauf lorsqu’elles appellent une intervention directe de l’exécutif en matière d’ordre public (par exemple en matière de terrorisme)
  • Permettre au CSM de rendre un avis non contraignant sur le budget alloué à la mission budgétaire justice avant transmission au parlement

Nous proposons, dans le cadre de l’Assemblée constituante pour une 6ème République, de :

  • Renforcer le CSM de nombreux·ses membres issu·es de la société civile pour assurer un contrôle démocratique respectueux de la séparation des pouvoirs. Il sera responsable devant le Parlement auquel il rendra compte annuellement de la mise en œuvre de la loi d’orientation de politique judiciaire qui sera votée
  • Aligner les règles de nomination au parquet sur celles du siège
  • Rendre contrôlable le principe d’opportunité des poursuites dont jouissent les procureur·es, par l’instauration d’un recours spécifique et le contrôle régulier de l’application de ce principe par le Parlement
  • Clarifier les rôles du Conseil d’État. Donner le statut de magistrat·e aux conseiller·es d’État au contentieux et assurer la mobilité avec les autres juridictions administratives. Interdire la possibilité d’être à la fois sur des fonctions de conseil et de contentieux
  • Supprimer la Cour de justice de la République, juridiction d’exception chargée de juger de la responsabilité pénale des ministres (pour les actes commis dans le cadre de leurs fonctions)

Rendre la justice au nom du peuple

  • Redonner leur place aux jurys populaires, supprimer les cours criminelles sans juré·es et expérimenter les juré·es dans les tribunaux correctionnels
  • Rétablir la compétence des juridictions de droit commun en matière de terrorisme, afin d’assurer l’égalité des citoyen·nes devant la justice, avec comme préalable d’assurer la protection des juré·es populaires
  • Garantir des sessions de formation (histoire, géographie et enjeux locaux) pour les magistrat·es non originaires dans les Outre-mer, pour leur permettre une meilleure appréhension du contexte socioculturel dans lequel elles et ils doivent rendre la justice
  • Voter une loi d’amnistie pour toutes celles et ceux qui ont été condamné·es en raison de leur engagement politique ou syndical

Mettre fin aux états d’urgence permanents 

Depuis deux quinquennats, l’exécutif en place nous impose, dans un semblant de débat démocratique, des états d’urgence antiterroristes et sanitaires, tant et si bien que ces dispositions prévues pour être exceptionnelles sont devenues permanentes, portant atteinte aux fondements même de notre État de droit. Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public, a donné une formule éclairante : « La banalisation de ce régime d’exception dilue les frontières entre des catégories aussi fondamentales que la démocratie et l’autoritarisme ». Cette accoutumance doit cesser. 

Dans les faits, de nombreuses dispositions législatives ont permis une répression judiciaire sans précédent des mouvements sociaux et des militant·es politiques, associatif·ves et syndicalistes, ainsi qu’un contrôle aussi inepte que discriminatoire exercé sur les personnes issues des quartiers populaires. 

Nous reviendrons sur toutes les dispositions liberticides récemment adoptées, et au premier chef la transposition de l’état d’urgence antiterroriste dans le droit commun avec la loi SILT ou encore les dernières lois supposées renforcer la sécurité (la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure, la loi renseignement de 2015 et la loi prévention d’actes de terrorisme et renseignement de 2021 qui lui a succédé). Ceci afin de prémunir nos concitoyen·nes contre les atteintes illégitimes et disproportionnées à leur vie privée et contre une surveillance généralisée. 

De plus, nous garantirons le contrôle par les juges judiciaires des opérations de lutte contre le terrorisme, permettant de garantir le respect des libertés fondamentales. 

Par ailleurs, nous lutterons contre la société du fichage permanent, en supprimant les fichiers de police et de gendarmerie inutiles. L’inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques sera réservée aux auteur·es d’atteintes aux personnes. Les mentions inutiles ou préventives, attentatoires à la vie privée et à la présomption d’innocence, seront supprimées et interdites.

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